À la base, j’avais quelques jours de battement entre la fin de mon séjour dans le Nagaland et le début de validité de mon visa pour l’Arunachal Pradesh. Alem, mon hôtesse du Nagaland m’a conseillé d’aller à Shillong, dans l’état voisin du Meghalaya. L’air y est pur et le marché est impressionnant, ça serait un bon endroit pour se reposer pendant quelques jours. En arrivant à Shillong, j’ai découvert l’existence d’un bureau local du mouvement Slow Food, et m’y suis rendu dans la journée. Quelle belle surprise, ce joli pavillon au milieu de la ville, avec un accueil chaleureux et une expertise hors pair sur les variétés d’épices et de plantes de la région.
Une variété de poivre long m’intéressait particulièrement, et ils m’ont conseillé de me rendre à Nongpriang – sans m’en dire beaucoup plus sur le lieu.
Nongpriang… une recherche sur Google Maps me l’indique bien mais sans aucune route qui y mène… Le village le plus proche s’appelle Cherapunji, un lieu touristique de la région. Je m’y suis rendu en me disant que ma destination serait accessible depuis ce village.
À l’hôtel, on m’indique la direction générale et on me dit qu’il faudra descendre pas mal de marches pour y accéder. Je ne suis pas sportif, mais quand même en bonne forme générale – même pas peur !
Au bout de 20 minutes de descente le long de la route, j’arrive à des marches bien verticales. Je vois le village (ou plutôt hameau) tout en bas, au loin, et je me dis que c’est sûrement quelques 2000 marches qui me séparent de celui-ci. Au fur et à mesure de la descente, l’air frais de la montagne commence à se réchauffer, et à part 2 paysans, je ne croise plus personne. Environ à mi-chemin, je fais ma première découverte – des feuilles de cannelier d’une variété que je ne connaissais pas. La différence est d’abord visuelle (les jeunes feuilles sont vertes et non pas roses, les feuilles matures sont bien plus épaisses), mais c’est le parfum qui me frappe… une odeur poivrée et intense sans équivalent. Je prends quelques feuilles pour pouvoir me renseigner sur la variété botanique (cinnamomum pauciflorum) et continue ma descente.
Juste avant d’arriver au village, je commence à voir quelques plantes de poivre long (pippali en hindi) sauvage, d’une variété qui m’est en effet nouvelle ! Les feuilles sont toutes petites, les lianes ne grimpent pas à plus d’un mètre du sol, et les fruits sont beaucoup plus petits. Une autre caractéristique étonnante, contrairement aux autres variétés de poivre long, les petites graines ne poussent pas uniformément, et ressemblent à des petits boutons poussant ici et là.
Le goût du poivre frais est mentholé, avec des notes de fruits rouges et une incroyable longueur en bouche (plus de 30 minutes !). Le petit effet anesthésiant me rappelle également le poivre long sauvage d’Assam (dont j’espère pouvoir me réapprovisionner un jour…).
Je suis enfin arrivé au petit village de Nongpriang, je descends à la rivière me reposer un peu. En vérifiant, je vois que j’ai descendu un peu plus de 1000m depuis ce matin, sur 500m de distance à vol d’oiseau. Je passe les 2 heures suivantes à me balader dans la jungle, à voir les petits jardins-forêts des habitants.
Au moment de monter, je me dis que je vais compter les marches, histoire de voir si mon estimation à la descente fut exacte. Environ 5000 marches plus loin, profondément épuisé et affamé, j’ai enfin retrouvé la route pour Cherapunji. Ces 5000 marches sont la seule route qui connecte Nongpriang au reste du monde. Les habitants du village montent et descendent cette route à chaque fois qu’ils souhaitent vendre leurs produits au marché ou faire leurs courses… Ils montent souvent avec plus de 40kg de produits dans les paniers qu’ils attachent à leur tête.
Je n’ai jamais eu de telles courbatures, et pendant les 3 jours qui ont suivi, j’ai à peine pu marcher pour m’acheter une bouteille d’eau. J’ai mis plus d’une semaine pour pouvoir marcher normalement.