Un des piments les plus forts au monde, le bhut jolokia est originaire du nord-est de l’Inde, et se trouve dans la majorité des états de la région. Je n’ai appris que très récemment que les meilleurs bhut jolokia venaient du Nagaland.
En arrivant à Dimapur, capitale du Nagaland, j’ai été surpris par une odeur méconnue que je pouvais sentir absolument partout. Cet effluve végétal, humide et acidulé, avec des notes de maïs frais et de beurre rance, me suivait depuis l’aéroport, dans la rue, la voiture et même dans l’hôtel ! C’est au moment de m’asseoir pour manger mon premier repas que j’ai enfin compris… c’était l’odeur des conserves de bambou.
Un repas typique dans le Nagaland contient certains ingrédients incontournables :
- Du riz gluant, souvent rouge, cuit avec du sel et/ou du sucre ;
- Une protéine d’origine animale (souvent du porc ou du poisson, mais les vers à soie sont considérés comme un mets exquis) ;
- Des légumes bouillis ;
- Des pickles (avec, le plus souvent, du bhut jolokia) ;
- Un ou plusieurs chutneys (toujours avec du bhut jolokia) ;
- Une salade à base de légumes frais.
Très souvent, les légumes ou les protéines sont cuits avec des bambou afin de les parfumer, et les marchés regorgent de marchands qui vendent ces conserves artisanales.
À Dimapur, chaque jour a son marché, et parmi tous les marchés, celui de mercredi est le plus célèbre. Les paysannes viennent de loin exposer leur production, et les variétés sont incroyables ! Je me suis arrêté à chaque étal, humé les épices et me suis renseigné de quel village venaient-elles. Ainsi, au fur et à mesure de la journée, j’ai pu créer une carte mentale des meilleures épices par village et région.
Une chose fut très claire, plus on allait vers l’ouest de Nagaland, meilleurs étaient les piments bhut jolokia ! C’est ainsi, dès le lendemain, que nous avons – Alem (mon hôtesse sur place) et moi – pris un 4×4 et sommes partis vers le village de Peren. Au but de 4 heures de route, nous avons rencontré la deuxième cousine d’Alem qui nous y attendait pour nous amener dans le minuscule village de Mpai, à 1 heure de là.
Dans ce petit village, avec ses maisons en bambou et sa petite école, nous avons été accueillis par une famille dont la principale source de revenu est ce fameux piment. 1 heure de marche plus loin, et nous sommes enfin arrivés au petit champ quasi vertical. La récolte hivernale est bien plus petite que celle de l’été, et la sècheresse de ces dernières semaines a décimé la majorité des plantes. Les piments qui ont survécu sont d’un parfum incroyable.
Une fois récoltés, les piments sont amenés au village puis séchés à l’intérieur des maisons, au-dessus du feu de bois. Le résultat est un piment d’un parfum fumé riche et envoûtant, avec des notes fruitées très profondes.
Comme souvent en Inde, les producteurs sont très pauvres, et leur manque de ressources les oblige à vendre leur production très tôt, avant même de pouvoir les sécher. Les piments frais sont vendus entre 60 et 80 roupies le kg (entre 80 centimes et 1 euro), alors que les piments secs de cette qualité valent environ 1500-2000 roupies (16-22 euros). Nous nous sommes engagés auprès d’eux de pré-acheter leur production de l’été au prix fort afin de leur garantir des ressources suffisantes pour tenir l’année. La prochaine récolte aura lieu en fin d’été, on a hâte de vous faire découvrir cette qualité !
De retour à Dimapur, j’ai continué à fréquenter les marchés pendant quelques jours, et y ai trouvé bien d’autres trésors – des feuilles d’hibiscus d’un parfum acidulé et végétal, des petits piments noirs, des feuilles de colocosia (yam) fermentées et pressées et même une variété de sumac ! je sens que je vais y retourner bientôt pour explorer d’autres coins de cet état.