Un producteur passionné qui nous présente le fruit d’un long travail. Une virée en Guadeloupe. Un curcuma qui traverse l’Atlantique en voilier pour rejoindre notre atelier. Voilà un beau programme !
Cyril, cofondateur d’Épices Shira, partage avec vous sa rencontre avec Didier, notre nouveau producteur de curcuma.
« Didier s’installe en Guadeloupe en 2009 comme plongeur professionnel et gagne sa vie en explorant les fonds marins. Il devient par la suite maraîcher avant de se spécialiser dans la production de curcuma frais en 2012 puis sec tout récemment. En quête de débouchés, il profite d’un passage à Paris pour nous faire découvrir les fruits de son labeur. Nous proposions déjà deux variétés de curcuma à la vente et étions perplexes sur le fait d’en avoir un troisième mais à l’instant où Didier ôte le couvercle de sa boîte d’épice, un parfum exquis et légèrement piquant mêlant la poire, le coing et la cannelle envahit tout l’espace… C’est le coup de foudre ! Nous convenons de lui rendre visite lors de la prochaine récolte.
Nous voilà donc mi-avril et la récolte de curcuma est bien avancée. Je saute dans un avion, direction Pointe à Pitre. Il devrait être tard dans la soirée pour moi et pourtant, je débarque sous un soleil chaud et lumineux. Les oiseaux se font entendre jusque sur le parking de l’aéroport, j’aperçois un coq se faufiler entre les taxis, et Didier venu me chercher en voiture.
On quitte l’aéroport et très vite nous abordons de vrais sujets : l’agriculture intensive en Guadeloupe, l’inertie d’une île qui importe tout ce qu’elle consomme, les directives émanant de la métropole… Nous franchissons la Rivière Salée, ce bras de mer qui coupe l’île principale en deux, et décidons d’aller voir son champ avant de rejoindre la maison par les petites routes. »
« Didier possède un terrain en pente dont il cultive une partie (1 hectare) et laisse l’autre en jachère. Pour garder sa terre bien vivante, il l’enrichit de végétaux qui s’y décomposent et alterne les bandes cultivées avec des herbes qui captent l’azote et des arbustes qui ont pour mission d’empêcher les pluies torrentielles d’emporter la terre. Avec le temps, le champ trouvera un équilibre proche de celui d’une forêt, avec une magnifique diversité… On parlera alors d’agroforesterie.
Arrivé chez Didier, je découvre une maison de plain-pied ouverte aux quatre vents, un jardin où pousse toute sorte d’arbres fruitiers (cocotiers, bananiers, goyaviers…) et une petite dépendance servant de lieu de stockage à son curcuma. À la nuit tombée, les aboiements se mêlent aux croassements des grenouilles, au chant du coq et autres oiseaux. Sortir de la ville ne signifie pas sortir du bruit ! Les seuls à rester silencieux sont les lézards. »
« Un ami venu le seconder pour la saison, l’aide à vider les séchoirs puis nous nous retrouvons autour d’une bière locale. Fab est jaune des pieds à la tête, comme moi lorsque je mouds et tamise le curcuma à l’atelier !
Au cours des jours qui suivent je participe aux différentes étapes de préparation du curcuma. »
« Une fois récoltés, les rhizomes sont séparés puis emmenés à la rivière pour être nettoyés. Ici, de nombreux cours d’eau sont pollués, c’est pourquoi Didier achemine ses caisses de curcuma 100% bio et naturel jusque dans la forêt primaire, là où les rivières sont encore préservées. »
« Vient ensuite l’étape du séchage. J’apprends à répartir convenablement le curcuma sur les claies pour que chaque morceau puisse capter les rayons du soleil. On obtient ainsi un séchage parfait et une couleur orange éclatante. Chacune des tâches me prend beaucoup de temps, surtout si je compare à mes camarades ultra entraînés… »
« Ils sont aussi sacrément débrouillards. Ils ont adapté leurs bacs de récupération de curcuma à la taille des claies, fabriqué un moulin à partir d’un moteur de machine à laver et un autre en meule de pierre est à l’étude. Du système de nettoyage en passant par les outils, tout a été amélioré, peaufiné pour convenir précisément à leurs besoins. Leur dernière acquisition est un désherbant des plus naturels, à savoir quatre oies en ce moment à l’essai dans le jardin. »
« Impossible de faire sécher le curcuma les jours de pluie battante. Nous en profitons pour nous rendre à la Marina. L’Estrella est un voilier qui propose des navigations au large à un équipage mixte composé de personnes valides et en situation de handicap. Ce voilier partira dans quelques jours la cale remplie de curcuma (notre curcuma !), pour une traversée de 5 semaines. En attendant le départ, les deux complices trouvent toujours à s’occuper : plonger pour réparer la quille, créer un siège adapté au fauteuil roulant d’Olivia, la responsable de l’association. D’ailleurs, elle me propose d’être du voyage… C’est très tentant mais je suis attendu pour la récolte des fleurs d’oranger qui commence dans deux semaines. C’est très tentant, mais je n’ai jamais fait de voile et la traversée de l’Atlantique pourrait s’avérer aussi fascinante que traumatisante. Je me laisse jusqu’à l’année prochaine pour y réfléchir ! »
Cyril Muller, cofondateur.